5 février : sur le rocher du Cap Horn
Embarqués
sur le Via Australis de la compagnie Cruceros, nous partons d’Ushuaia dans la
soirée. Nous allons naviguer durant la nuit… Les vélos sont à bord, mais plus
question de pédaler désormais. Place maintenant à l’émotion.
Le
soleil perce sur l’horizon découvrant les nombreux îlots alentours. Il est
5h55. Il semble que le temps soit clément. Excités par le lieu, par l’espoir de
pouvoir fouler ce rocher mythique, nous sommes réveillés tôt. Notre bonne
étoile va-t-elle encore illuminer notre journée ? Nous avons une chance
sur deux de pouvoir débarquer au Horn… Ces dangers et l’extrême difficulté de
son franchissement ont donné au cap son caractère légendaire, mais aussi la réputation
d’être un cimetière marin. Il est parfois surnommé le « cap dur », le
« cap redouté » ou le « cap des tempêtes ».
La carte
électronique du navire indique que nous sommes tout proche. Une petite crique,
Caleta Leon, permet de mouiller l’ancre par une vingtaine de mètres de fond. De
grandes algues brunes encombrent la crique. Le vent d’ouest est faible, il n’y
a pas de houle ; ce sont des conditions rares pour accoster sur ces
rochers noirs… Dans un premier temps, le Capitaine envoie un zodiac explorer la
zone et surtout l’aire d’accostage. On nous demande de revêtir nos gilets de
sauvetage ; c’est le signe que nous y allons ! Extraordinaire…
Nous
grimpons par groupe de 12 sur les zodiacs. En à peine deux minutes, nous
touchons la terre. Une passerelle en aluminium nous permet d’atteindre
rapidement un escalier en bois qui facilite la montée glissante dans la paroi
d’herbes et de terre. Nous avons laissé les vélos sur le navire. Par contre,
nous avons pris deux fanions avec nous.
Le
cap Horn lui-même est une falaise haute de 425 m, située sur une île
longue de 6 km et large de 2 km. Sur un terrain à peu près plat,
dégagé de tous côtés, les Chiliens ont construit un phare. Il n’est pas très
haut, une dizaine de mètres seulement. A son pied se trouve une habitation pour
le gardien, sa famille et leur chien « Gouffy », en place pour une
année entière !
Un bureau peut accueillir les visiteurs pour la vente de
quelques souvenirs. Une petite chapelle du nom de « Stella-Maris » a
été construite à côté du bâtiment principal et du mat portant le drapeau
chilien qu’il faut changer régulièrement à cause de la force dévorante du vent.
On reconnaît le pays au travers ces mots : « patrie, honneur et
religion ». Une plate-forme en béton permet la dépose d’un hélicoptère.
A
environ 300 mètres, sur un éperon du cap, une immense sculpture métallique a
été érigée en 1992 par l’artiste José Balcells en mémoire des marins disparus
autour de l’Horn. Elle représente un albatros en plein vol. Au pied des
falaises, la houle de l’ouest monte à l’assaut des rochers. Le vent se lève et
remplit ce grand silence.
Le
cap Horn marque la limite nord du passage de la mer de Drake (le nom du détroit
séparant l’Amérique du Sud de l’Antarctique) et le méridien qui le traverse
définit, du cap jusqu’à l’océan Austral, la frontière entre l’océan Pacifique
et l’océan Atlantique.
Nous
atteignons le Mémorial avec une excitation non retenue. Aussitôt, Jean-Michel
sort la bouteille O’Tahiti remplie de l’eau du Pacifique prise à Valparaiso.
Jean-Pierre prend également une petite bouteille : elle contient du sable
rose de Tikehau (atoll des Tuamotu). Formidables symboles de l’eau et de la
terre dans cette Terre de Feu !!! Ces instants resteront longtemps dans
nos mémoires… Nous vidons l’eau au gré de ce vent capricieux, tous les cinq
unis par l’amitié, la joie, le partage. Nous prenons chacun une poignée de
sable rose que nous jetons en direction de ce ciel chargé, pour offrande à
Eole…
Puis nous en déposons au pied d’un rocher, face au sud, au Cap ; nos
fanions sont dépliés en son milieu : nous avons atteint le sommet de nos
objectifs ! Notre périple se termine donc au delà de nos prévisions. La
cohésion qui nous a animé durant ces 4 semaines a permis d’aller « encore
plus loin ». En toute simplicité, nous éprouvons un bonheur intérieur
incommensurable. Nous tombons dans les bras des uns et des autres…
Un
autre événement marque également cette journée originale : l’anniversaire
de Jean-Pierre. Fred, notre « bourguignon bretonnant », a tout
prévu : une bonne bouteille de Chablis ! C’est à Richard que revient
l’honneur de l’ouvrir, lui qui vient d’avoir 50 ans. Les verres s’entrechoquent.
Nous entamons un « Joyeux Anniversaire » pas comme les autres, au
pied de « l’Albatros » : 4 « quinquas » embrassent le
« Jeunot » de 48 ans !
Les deux "sangs bretons", Jean-Pierre et Jean-Michel, posent devant la stèle offerte par les Cap Horniers de St Malo. En ce 5 février 2012, le drapeau "Guenn ha Du" flotte sur l'Horn ! Nous sortirons également celui de la Polynésie Française.
L’accalmie
n’aura duré qu’une petite heure. Déjà, les eaux bouillonnent. Les goélands et
les pétrels nichent dans ces falaises. Il n’y a pas d’autres navires en mer. Le
ciel devient gris, l’océan prend la couleur du ciel, puis se teinte de blanc.
Il n’y a pas un instant à perdre. Le retour au bateau devient impératif avec un
clapot qui mouille l’intérieur des zodiacs, l’équipage nous presse même :
nous sommes les derniers à quitter le rocher. J’ai juste le temps de ramasser
une pierre en guise de mémoire.
L’aventure
touche à sa fin.
Encore
trop « bouillant » pour exprimer une impression globale. Nous y
reviendrons plus tard…
Le
navire va nous proposer une halte à Wulaia, sur l’île de Navarino, avec une
excursion possible en kayak. Ainsi, nous aurons navigué non loin de l’Horn, sur
cette mer inquiétante et attirante.
Point
d’orgue de cette journée : l’équipe d’animation du bateau a décidé de
vendre aux enchères la carte marine de la zone, visée par le Capitaine. Nous
décidons de renchérir pour l’offrir à notre marin « Ritchy » pour ses
50 ans. On tient la corde (ou plutôt le « boutte » !), quand,
soudain, un espagnol nous « grille » la politesse ! Déception,
mais vite dissipée car José Manuel et Alfonso s’approchent de nous et, ô
surprise, pour remettre à Richard l’objet désiré. Quel beau geste ! Embrassades,
congratulations. Nous entamons une « Marseillaise » sur demande de
nos amis espagnols. La carte sera signée de tous ; souvenir indélébile
pour « Ritchy ».
La
vie est belle, ainsi.
Notre
périple arrive donc à sa fin.
Nous
vous remercions du fond du cœur de nous avoir accompagné et soutenu dans tous
ces moments, faciles comme difficiles. Vos encouragements nous auront permis,
une nouvelle fois, d’aller plus loin, au delà nos rêves, pour à notre tour vous
faire partager une partie de nos plaisirs. Merci !
Dans
les jours qui suivent, nous continuerons à compléter ce blog par les dernières
découvertes de glaciers et autres beautés chiliennes, car nous rejoignons Punta
Arenas et Torres del Paine.
Nous
évoquerons aussi nos impressions individuelles…
Merci
encore.
Quand on voit toutes les photos de votre blog, on ne peut qu'être admiratif! Merci à vous de nous avoir permis d'avoir fait ce voyage par "procuration"! Le repos doit être le bienvenu....... Bravo à vous tous, bises à toi Richard.
RépondreSupprimerCa fait rêver ... et vous l'avez fait !
SupprimerBravo (petit clin d' œil a Rene) et toutes nos félicitations a tous les 5 (que nous ne connaissons qu a travers votre aventure)
Quel beau défi.
Laetitia et Patrice
I'm the guitarrist! FInally I found this blog, I'm happy to know that your adventure has a happy ending. I will ask you a favor... Can you send me the photos or the videos of that night? It'll be awersome.
RépondreSupprimerMy e-mail: mau_folck1992@hotmail.com
Thanks, peace and love!