Après la traversée des Etats Unis (Coast to Coast USA) en octobre 2010

Après la traversée des Etats Unis (Coast to Coast USA - 4.800 km) en octobre 2010,

Jean Michel MONOT (Tahiti) repart pour une nouvelle aventure

mais accompagné cette fois-ci de quatre compagnons d’échappée

René SABATIER (Tahiti) - Richard MARTIN (France) - Frédéric FOUCHER (Moorea) - Jean-Pierre LE LOCH (Tahiti)

jeudi 9 février 2012

Le village le plus au Sud du monde (2 et 3 février)

Jeudi 02 et vendredi 03 février : Ushuaia (Argentine) - Puerto Williams (Chili)

Dans le port d' Ushuaia, les nuits d'été sont courtes.
Les marins le savent bien, et dès le crépuscule, ils  arpentent les bars pour rompre leur solitude.
Il est 2 heures 30  quand nous quittons le pub Irlandais d'Ushuaia.
Déjà le vent s'est isolé et se repose, exténué par les efforts de la veille. Les frémissements de l'aube distillent une lumière unique et froide. La pluie fleurte avec la neige, mais qu'importe.


Notre appétence pour le "grand sud" nous incite à naviguer vers la destination ultime : Port Williams, le village  le plus sud au monde (Ushuaia restant la ville la plus au sud).
Pour le rejoindre, il nous faut traverser le fameux Détroit de Beagle qui sépare la Terre de Feu de l'ile Navarinos, territoire des indiens Yagans.


En 1830, le Capitaine Robert Fitz Roy, commandant le vaisseau anglais Beagle, découvrit ce peuple de chasseurs nomades, arpentant les mers sur leurs canoës façonnés d'écorces de bouleau local.
Il nomma le canal et les iles alentours du nom de son navire et de ses Officiers.
Arrivés il y a près de 10000 ans en Patagonie, en provenance d'Asie, les Yagans (ou Yamanas) ont tout d'abord franchi le Détroit de Béring avant de traverser l'Amérique du Nord, puis le Sud. A cette époque, la glace permettait de franchir ces détroits et on imagine que la Terre de Feu était encore reliée au continent Sud Américain. Certains historiens ont également évoqué la venue de d'individus depuis le Pacifique (Île de Pâques et Polynésie).
Ces peuplades primitives vivaient pratiquement nus et plongeaient dans la mer en s'enduisant le corps de graisse de phoque et d'argile. Seules quelques peaux de bêtes recouvraient leurs épaules lors des hivers les plus rudes. Ils entretenaient par contre une dévotion totale pour le feu dont ils ne se séparaient jamais, en tapissant notamment de galets le fond de leurs frêles esquifs .
Ces Hommes et Femmes ont traversé plusieurs continents, en suivant les migrations animales, pour venir s'installer dans une des régions les plus inhospitalières de la planète.
Pourquoi ne sont ils pas retournés sur leurs pas, alors qu'ils ont rencontré des paysages et climats plus souriants et tempérés ?
Ils ont choisi le bout du monde, la Terre de Feu dont le nom, donné par les navigateurs européens du 17ème siècle, provient de ces nombreux feux d'indiens qui ont servi de moyen de communication lors de l'arrivée des "blancs". L'homme est ainsi fait et possède en lui ce besoin que nous partageons d'avancer toujours plus loin à la découverte de l'inconnu.


Au réveil, branle bas de combat pour attraper le seul bateau qui nous fera traverser le Détroit de Beagle. Le temps est clément et après deux heures de navigation nous débarquons avec nos vélos à Puerto Williams, capitale de la Terre de Feu chilienne.
Cerné de montagnes aux sommets enneigés, avec sa petite marina enclavée dans une crique jouxtant l'aéroport, il constitue le port militaire le plus austral au monde.
Quelques précisions sur ce "bout du monde" : en 1948, les autorités chiliennes décidèrent de créer une base navale sur l'île Navarino en raison de sa situation géopolitique et stratégique. L'emplacement, nommé Puerto Luisa, de l'actuelle ville fut trouvé sur la rive du canal Beagle, au Nord de l'île. Ce lieu était favorable à la construction d'un ponton en haut profonde, à la construction de casernes, d'habitations et d'un aérodrome. L'armée inaugura la base navale Puerto Luisa en novembre 1953. Le 22 août 1956, par un décret du Ministère de la Défense Nationale, Puerto Luisa fut renommée Puerto Williams en l'honneur du marin irlandais John Williams Wilson (nommé aussi Juan Wilson ou Juan Guillermos) qui rendit service au Chili en prenant possession, en septembre 1843, du détroit de Magellan. Les maisons sont comme souvent au Chili de toutes les couleurs, donnant ainsi de la gaieté dans ce climat "noir et blanc".


3000 âmes y vivent, dont Cristina Caldéron, la dernière  représentante vivante des indiens Yamanas, âgée aujourd'hui de 84 ans. La seule a détenir les secrets de la langue yagan. Nous rencontrons l'un de ses fils, Daniele, qui ne parle que l'Espagnol. Séquence émotion. Une langue meurt sous nos yeux. Cet endroit qui regroupe une quarantaine de descendants des indiens s'appelle "Villa Ukika".



Puis la visite d'un musée local "Martin Gusinde" qui domine la baie nous permettra de faire connaissance de Violetta, cette Cap Verdienne polyglotte et férue d'anthropologie échouée par hasard sur ce caillou enfoui dans le temps. C'est surtout nos échanges avec elle qui apporteront les éléments que nous avons relaté plus haut.
Au détour d'une randonnée à VTT dans les bois surplombant le canal, nous tombons sur d'anciennes installations militaires de la fin des années 70 (tension énorme entre l'Argentine et le Chili), ouvertes au tourisme. Les fûts des canons sont encore dirigés sur la ville d'Ushuaia et la Canal de Beagle.
Ambiance. Les inimitiés sont parfois longues a se dissiper... et ce n'est pas fini actuellement comme nous avons pu l'entendre au gré de nos discussions avec les locaux.

Autre découverte :  le Club Naval de Yates Micalvi. Celui-ci est le passage officiel et obligatoire (port de plaisance) pour tous les voiliers à destination des eaux chiliennes, principalement le Cap Horn, l'Antartique et le canal Beagle occidental. Ces voiliers utilisent le Micalvi comme point d'amarrage. Il s'agit d'un ancien cargo allemand offert au Chili après une livraison d'armes. Après la deuxième guerre mondiale, il devint un ravitailleur des bases chiliennes de cette région ; désormais, son bar intérieur sert de rendez-vous de tous les navigateurs.



Une dernière balade dans un superbe jardin botanique inondé de tiédeur, perché à flanc de colline et bientôt il nous faut rejoindre le port, car demain nous embraquons sur le Via Australis qui doit nous mener à l'Horn.

Retour hésitant (nous avons eu 3 heures de retard et n'avons pas failli partir) et musclé à travers le Détroit pour regagner le port argentin.
Le climat de la Terre de Feu n'est pas une légende.
Dans une même journée  vous pouvez affronter les quatre saisons.


Et c'est sous une pluie glaciale que nous regagnons Ushauia.

Une fois au lit, nous avons une pensée pour notre "bonne étoile" afin qu'elle nous transforme ce rêve en réalité : vider notre eau du Pacifique depuis LE rocher du "Cap des tempêtes" !!!





1 commentaire:

  1. bravo les gars,j'ai suivi votre périple.Bernard:un baroudeur d'Avignon.Bien amicalement

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