Avant de vous envoyer les impressions de chacun d'entre nous, voici le récit des quelques jours que Jean-Pierre a passé seul, après notre départ de Cochrane pour Tortel, le 23 janvier. Il nous retrouvera le 27, après moultes aventures en solitaire...
Le récit de Jean-Pierre sur son trip
solitaire entre Cochrane et Villa O’Higgins
" La
piste de la Carretera Austral se termine à Villa O'Higgins et ne permet pas de
rejoindre El Chalten directement en voiture. Ma route obligatoire pour
descendre plus au sud me dévie donc vers l'Argentine où j'emprunterai une
autre route mythique nord-sud, la routa 40.
Je
me sépare du groupe lundi vers 15h00 à Cochrane et me prépare quelque peu à ce
trajet d'environ 600 km. Le plein de carburant fait, je rajoute dans le pick-up
2 Jerrycans de 20 litres chacune, car on me prévient que je ne trouverais pas
de station service avant El Chalten !
Le
poste frontalier est à 90 km de Cochrane, et je dois y être avant 19h00, au
risque de le trouver fermé. Mais les paysages qui s'ouvrent devant moi sont
grandioses et il m'est difficile de faire 100 mètres sans m'arrêter... je pense
à Fred qui, la veille sur le parcours Coyhaique-Cochrane, réclamait sans cesse
la pause photo... Après à peine 1h de route, je craque et décide de
parquer le véhicule pour une petite rando découverte. Au sommet d'une colline,
j'aperçois sur un versant et en contre bas des groupes de Huemules sous fond de
sommets enneigés. Sur mon retour vers le 4x4, j'ai la chance d'en voir un
s'abreuver le long d'un petit cours d'eau ; il me laissera se rapprocher
de lui à moins d'une dizaine de mètres ; je prends le temps de m'asseoir
pour l'observer.
Je
passe finalement la frontière vers 19 heures à El Paso Roballos, et remplis les
formalités auprès d'un carabiniero un peu surpris de voir un polynésien dans
ces montagnes. La douane Chilienne semble rustique au niveau des
infrastructures, comparée à celle de l'Argentine, mais elles sont toutes deux
efficaces et permettent un passage rapide, sans question particulière. Le vent
y est particulièrement fort. Je pense à mes copains cyclistes et espère qu'ils
ne l'ont pas sur leur chemin. Je me rends compte que depuis que je les ai
quittés, je n'ai croisé aucun véhicule sur pratiquement 90 km de piste, et j'en
suis heureux !!
Je
me dirige a présent vers la routa 40, et en chemin je fais plusieurs haltes
pour découvrir quelques collines intéressantes, je "croise " encore
quelques Huemules, suis un lièvre pas pressé qui a l'air de m'indiquer une
piste vers un petit point de vue...
A une
centaine de kilomètres de la frontière, je rejoins finalement la 40, elle est
en travaux d'amélioration, le gouvernement argentin y a lancé depuis 2010 un
programme de bitumage. Ce sera sur au moins 300 km des passages
difficiles avec portions asphaltées, déviations et longues pistes parallèles le
long de la voie en travaux. Certaines portions droites s'étalent sur près de 50
km ! J'imagine mal le faire en VTT, avec vent de face de 30 nœuds ! Il faut
d'ailleurs rester vigilant en conduite car le véhicule se déporte facilement,
poussé par les rafales de vent.
Vers
2h mardi matin, je décide de m'arrêter près d'un logement de chantier, je me
gare sur l'accotement de la piste et monte la tente pour quelques heures, il me
reste environ 180 km pour atteindre El Chalten. J'y serais finalement vers 10h,
et démarre de suite par une sortie en kayak vers le glacier Viedma, en
utilisant au préalable une navette pour une traversée de 20mn du Lago Viedma.
Le décor impressionnant me fige sur place ; avec le kayak je n'ai pas le
droit de m'approcher à moins d'une cinquantaine de mètres, mais je distingue
tous les détails de la paroi de glace, ses couleurs bleues sont attirantes,
mais prudence !
Les
Rangers d'El Chalten m'expliquent dans l'après-midi que j'ai une fenêtre météo
favorable pour les 2 jours à venir. Je décide d'abandonner le véhicule pour un
trek qui me rapprochera du Cerro Fitz Roy, qui culmine à 3 405 mètres.
J'entreprends l'approche par les lacs Capri et Los Tres, soit 6 heures de
rando. La tente est montée vers 20h, il fait beau mais froid, après mon
sandwich au salami, je m'endort rapidement pour rattraper un peu de
sommeil ; demain il faudra être au point d'observation avant 5h pour
anticiper le lever de soleil et profiter de la lumière montante. Il me faudra 1
heure pour l'atteindre.
Pour
atteindre le glacier Grande, je décide de m'ouvrir un hors piste qui m'amènera
sur une crête à près de 1 800 mètres et me fera redescendre vers la vallée
Maestri, au-dessus du glacier que je prévois de rejoindre. Ma descente sera
scabreuse, en utilisant une goulotte de glace et en traversant une moraine
glissante. Ma peine sera largement récompensée, car le paysage que je domine
depuis le sommet est simplement fantastique, je profite de quelques pauses pour
passer en mode méditation ...
Je
ne reviendrais que le lendemain, le vent se lève. Il me faut rejoindre les amis
qui descendent vers Villa O'Higgins. Je prévois de partir tôt jeudi matin ce
qui me permet d'être au départ du trek avant 7h. J'abandonne une nouvelle fois
le véhicule en bord de route devant une estancia, et empreinte un pont
piétonnier suspendu au-dessus d'un cours d'eau mouvementé, ça commence fort!
Le
vent forcit, des nuées blanches sont visibles au milieu du lac Desierto ;
l'eau en surface est happée par des rafales comme si la pluie s'était inversée
et ramenait l'eau vers les nuages... J'apprends plus tard que le vent avait atteint
des pointes de 120 km/h ! Je me dépêche tant bien que mal, le sentier est
difficile, boueux et parfois en flan de falaise. Je joue l'équilibriste avec
mon sac à dos de 12 kilos, l'enjeu étant de passer la douane Argentine avant
midi, juste par plaisir de faire les 20 km en moins de 5 heures. Ce sera chose
faite, mais les douanier me déconseillent de continuer vers le Chili car le
temps ne s'améliore pas ; les nuages sont bas et la pluie battante.
J'acquiesce, mais ne tiens pas 15mn, je reviens vers le douanier et lui dis que
j'y vais tout de même, et après un énième tampon sur mon passeport je poursuis
vers un sentier qui doit me mener vers le lac O'Higgins, dans 20 autres
kilomètres.
La
vue est superbe tout au long du parcours ; derrière moi je laisse le lac
Desierto toujours sous le tumulte des vents. Le spectacle est unique, il me
rappelle des vues du film « le seigneur des anneaux » pris en
Nouvelle Zelande.
Cet
engouement me donne un rythme que j'ai rarement tenu aussi longtemps avec une
telle charge sur le dos. Après 2h30 de marche, j'arrive au panneau signalant la
vraie frontière ; le temps de quelques photos, je reprends le sentier...
Mais ma déception sera grande lorsque, passé côté chilien, de sentier je passe
à une piste carrossable ! Celle-ci me mènera au bout de 4 heures de marche à la
douane Chilienne. Et hop pour un nouveau tampon, mais au moins comme
d'habitude, ce passage obligé se passe en quelques minutes. J'arrive finalement
à 18h sur un terrain vague où je plante ma tente. A côté, j'entends parler
français ; ce sont des suisses arrivés plus tôt. Ils m'apprennent qu'ils
attendent le bateau pour traverser le lac O'Higgins depuis deux jours du fait
du mauvais temps, mais qu'il est possible qu'il vienne le lendemain.
En
attendant, je profite de la vue qui s'offre à moi. Le lac de couleur verte
rayonne de ses éclats ; deux iceberg dérivent au gré des vents ; ils
dérivent depuis le glacier O'Higgins et s'apprêtent à quitter le Chili pour
l'Argentine... Il leur suffit de traverser le lac, ils n'ont pas besoin de
passer à la douane, eux ! Je propose à mes voisins suisses d'en prendre un pour
rejoindre O'Higgins, à défaut de bateau...
Le
Quetru, bateau d'une vingtaine de mètres, est finalement là jeudi matin à 10h,
et après 3 heures de navigation, le débarquement se fera à l'abri du vent, la
pluie s'étant estompée depuis peu. Il me faudra marcher 7km pour atteindre
enfin l'objectif de ma remontée vers le nord depuis El Chalten, le bout de la Carretera
à Villa O'Higgins.
Il
ne me reste plus qu'à arpenter les quelques rues du village pour retrouver les
amis vététistes. Chose faite après mes premiers 200 mètres dans le village, je
retrouve les quatre VTT battant pavillon CtC Patagonia : les gauchos
polynésien étant juste là !!!
Les
retrouvailles sont chaleureuses, à l'image de notre amitié, après près de cinq
jours de séparation ...
Jean Pierre "
Glacier Pirito |
Glacier Grès |
Autour de Torres del Paine |
A suivre, les "impressions" de chacun et la clôture de cette aventure...
C'est trop beau :)
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