Après la traversée des Etats Unis (Coast to Coast USA) en octobre 2010

Après la traversée des Etats Unis (Coast to Coast USA - 4.800 km) en octobre 2010,

Jean Michel MONOT (Tahiti) repart pour une nouvelle aventure

mais accompagné cette fois-ci de quatre compagnons d’échappée

René SABATIER (Tahiti) - Richard MARTIN (France) - Frédéric FOUCHER (Moorea) - Jean-Pierre LE LOCH (Tahiti)

mardi 31 janvier 2012

Au "bout du bout" avec la Patagonaise (26 janvier)

Jeudi 26 janvier : prairie auprès torrent - Villa O'Higgins

Alors que l'aube nous gratifie de ses plus beaux atouts, avec un ciel noirci et lourd, soudain rempli de lave en fusion nous faisant craindre une éruption en cours, une vieille connaissance se joint a nous...
Insidieuse et souvent travestie, elle a su conquérir Jean Mi, puis René et enfin Richard, en moins de 10 minutes.
Nous la nommerons la "patagonaise".
Non ce n'est pas le nom d'une habitante du cru ; ni celui d'une autoroute, ni même le nom d'une course organisée par le team VSOP, mais le surnom que nous donnons à la "tourista" locale !!!
Merci aux empenadas de Mme Francisco, qui n'ont sans doute pas appréciés les heures de carrioles sous le soleil.

Le ciel gronde, de concert avec nos intestins. Il nous faut démonter nos tentes en toute hâte, malgré les crampes d'estomac entrecoupés de besoins pressants.
Le petit déjeuner est frugale, mais nécessaire au vue de la longue étape qui nous attend ; et toujours les nuages qui s'amoncellent.
Bientôt la pluie, alors que nous moulinons sur les premiers contreforts qui vont s'avèrer plus coriaces que prévus. A moins que ce ne soit nos jambes, prématurément fatiguées par le virus et les 10 jours de pédalage intense.
Enhardis par la crainte d'une violente averse nous forçons le rythme.
Trop peut être.
Jean Mi, tout en puissance, s'arrachera pour hisser les 25 kilos de sa carriole au sommet. Richard a depuis quelques jours retrouvé ses jambes de trentenaire tandis que René souffre après s'être le plus vidé. Le sentant en difficulté, Fred préfère rester à ses cotés, et c'est dans la douleur que s'achèvera la montée de ce premier col trés exigeant.





La descente vertigineuse allait surprendre René, dont la carriole, tancée par l'état de la piste, se cabre sur une roue et l'envoye choir sur le coté. Entorse du deuxième doigt de la main droite. Pas de casse mécanique. Puis seconde chute quelques minutes  après, pratiquement à l'arrêt.
La fatigue se fais sentir, mais devant nous se présente un second col trés raide et pas d''endroit où se protéger a l'abri de la pluie .
Au sommet de la bosse, qu'elle ne fût pas notre surprise : une biche locale ou plutôt un "huemul". Elle semble paisible et pas effrayée du tout de la présence de 4 bipèdes déguisés !


 JMi et Ritchy gardent leur rythme. La pente s'enraidit. Le cliquetis des dérailleurs est estompé par la violence du vent qui nous porte. Maigre consolation. Les derniers mètres sont hardus et René doit faire preuve d'une volonté farouche pour ne pas mettre pied à terre.
Enfin le sommet, occulté par le vent violent et froid qui nous oblige à plonger dard dard dans la pente abrupte. Seul un condor qui tourne au dessus de nos têtes donne un peu de vie à cet endroit. Terrible désillusion lorsque l'on aperçoit le chemin bien haut, plusieurs kms devant nous. Que dire lorsque nous croisons le familier et redouté panneau de signalisation  nous avertissant d'une côte sévère (un camion noir en cote sur fond jaune) ? Ne rien dire, serrer les dents et pédaler.



Trempés, vidés par 5 heures d'efforts intense.  Et cette maudite gastro, nous débouchons enfin sur un plateau balayé par les vents. Légèrement en contrebas, jouxtant un étang aux eaux sombres, une cabane de pêcheur.
La chance nous sourit car en poussant la porte, une accueillante cheminée nous invite à faire un feu qui réchauffera nos corps et nos âmes.
Un moment inouï.




















Ragaillardis par cette pause chaleureuse, nous déroulons sur un terrain moins abrupte, sous une pluie sporadique et agonisante, et profitons des paysages ; les grosses difficultés étant derrière nous. La nature nous propose des contrastes saisissants avec du blanc (neige et cascades), du vert (prairies, bois), du bleu (rivières) et du gris (nuages et piste). Le vent est favorable fort heureusement et nous rapproche de notre objectif.




Bientôt, au détour d'un virage nous entrevoyons Villa O'Higgins que nous croyons à portée de pédales mais un couple de Suisse à vélo que nous croisons va doucher nos espoirs et ce n'est qu'une heure plus tard que nous poserons fièrement devant le panneau de la ville.





Surpris par la taille du village que l'on imaginait n'être q'un lieu dit,  on trouvera  refuge dans le lodge "El Mosco" tenu provisoirement par un couple de jeunes routards français, Jérome et Frédérique.

 

Quelle journée ! Elle aura marqué notre trip.
Nous voici donc au "BOUT du BOUT" de la Carretera Austral.
Premier objectif atteint !!!
La nuit sera remplie de souvenirs...


samedi 28 janvier 2012

Patagonie, mon amour... (25 janvier)

 Mercredi 25 janvier : Tortel - Yungay - Prairie pres d'un torrent
(Plus de 70 kms de piste et 15 de traversée de fjord)

A notre réveil, les premières lueurs de l'aube peinent à inonder le paisible village de Tortel. Blotties au fond d'un fjord de Patagonie, les eaux lisseés aux couleurs bleues lactées reflètent les maisons multicolores et leurs passerelles d'accès. Les embarcations sembles figées telles des maquettes posées sur un verre dépoli. Seuls les aboiements de chien à notre passage viennent troubler par leur écho le silence de la vallée. Dans  la cuisine du lodge, le propriétaire, cheveux hirsutes et yeux gonflés de sommeil, vient gentiment réclamer son dû tandis que nous déjeunons. Puis, chargé de notre barda, il nous faut remonter une à une les 250 marches de bois buriné pour regagner nos vélos ! Sympa comme échauffement pour appréhender les 23 kms de piste cassante pratiqués la veille . Tandis que nous attelons nos remorques, Franscisco, la cinquantaine alerte malgré son embonpoint naissant, a  bien compris notre désarroi de refaire  cette "maudite" piste. Tenancier  de bistrot à Yungay, il nous décrit la difficulté de la route et son col redoutable et nous propose spontanément de nous soulager de nos bagages avec l'aide de Rafaël, le chauffeur. Encore la gentillesse chilienne et l'esprit d'entraide du grand sud. 


Et c'est avec le coeur et les vélos légers que nous attaquons les premiers méandres d'une ascension qui devait s'avérer difficile et superbe. Du grand VTT au sein de forêts encore clairsemées par les immenses incendies qui ont ravagè la Patagonie depuis 70 ans. Nombreux sont les troncs calcifiés qui apparaissent, déchirés, démembrés, comme tordus de douleur dans le ciel azur. De sommets encore enneigés glissent d'étroites cascades qui viennent se déverser dans les quelques lacs d'altitude que nous longeons au fil des kms. Malgré ces cicatrices infligées par l'homme, la  nature Patagonienne parait si puissante, sereine et généreuse que l'optimisme est de rigueur. 




Et après 5 heures d'efforts, à l'aplomb d'un superbe glacier suspendu (le San Clemente), nous visualisons le "port" de Yungay, ou plus exactement les 3 maisons qui cernent la rampe d'embarquement. De là, un ferry effectuera la traversée d'une heure de la Laguna San Rafaël pour amerir à Rio Bravo. Départ du prochain bateau à 18 heures, soit 4 heures de repos dans la estancia de Francisco. On se jette sur les empenadas maison que sa femme confectionne pour les quelques passagers. Puis séquence mécanique pour Jean michel et Fred ; et baignade pour René et Richard. L'eau est à 18 degrés, ce qui semble beaucoup pour un lac de montagne ! Nous apprenons qu'il s' agit en fait d'un fjord de Patagonie. 


 La traversée fut un régal avec visite de la timonerie pour certains pendant que d'autres se renseignent sur les conditions de la piste et ses difficultés. Il faut dire que nous avons été échaudé à de nombreuses reprises par les données fantaisistes des cartes et guides en tout genre. 


Requinqués par ces quelques heures de repos forcé, nous attaquons la piste pour engranger un maximum de kms avant la nuit  et pouvoir écourter la longue étape du lendemain pour atteindre Villa O'Higgins. D'un commun accord Jean Mi et Fred roulent au taquet en éclaireur afin de trouver un bivouac pour la nuit. En bord de torrent, au pied du premier col, une petite prairie nous offre sa quiétude. La tente montée, le feu balbutiant, un couple de Hollandais à vélo ( lol :-) déroule paisiblement en sifflotant : René et Richard !! Encore un campement de rêve abondé d'un excellent repas à base d'empenadas et de soupes chaudes. 


Seule inquiétude, le vent qui, contrairement à d'habitude, ne tombe pas en soirée et les nuages lenticulaires fréquemment annonciateurs de mauvais temps. Mais l'humeur est joyeuse et rien au monde ne saurait troubler cette ambiance fraternelle autour du feu  sous les scintillements de la Croix du Sud  bientôt rejointe par une voie lactée étincelante. Manque la fiole de whiskey amenée par Jmi mais oubliée depuis, ce qui n'empêche pas les chants de retentir jusque tard dans la nuit. Nous sommes joyeux, heureux de vivre une aventure hors du commun, sans notion de competition ni rivalité. Le groupe est complémentaire et bien équilibré et rien ne nous laisse envisager que nous sommes à la veille de la pire journée de notre périple... 


Quatre garçons dans le vent (24 janvier)

Mardi 24 janvier : du "Refugio" à Tortel, le village lacustre.

Il était une fois quatre garçons dans le vent (mais sans les cheveux, surtout pour Fred !).

Réveil à 6h30 dans notre refuge. René s'empresse de rallumer le poële à bois, la température étant aux alentours des 10°. Le soleil pointe ses premiers rayons sur une cime enneigée. Après un débarbouillage à l'eau fraîche, chacun passe sa tenue du jour (de cycliste en l'occurrence) puis se dirige vers la petite ferme. Les chiens, les poules, les oies, le lapin puis le chat Xavi nous accueillent ; Nelson est déjà levé, prêt à aller à la traite des vaches. Son épouse a mis sa tenue verte de cuisinière et nous prépare les pains frais et les empeladas dans lesquels nous mettrons leurs merveilleuses confitures faites maison. Nous profitons de ces derniers instants de pause-café car nous savons que la journée sera longue pour rejoindre Tortel, un village typique construit au bord d'un fjord sur pilotis et passerelles en bois. Cela nous demandera une rallonge de 22 kms, mais impossible de ne pas venir visiter cette originalité...


A 8h30, nous quittons le refuge et leurs admirables propriétaires qui nous saluent, timbales de lait frais en main. Après 3,5 kms de sous-bois, nous reprenons la piste, la fameuse Carretera Austral, direction plein Sud. Un invité est venu participé à notre fête : le vent. Mais c'est celui du Sud, donc de face pour nous. Il va ainsi nous assécher et nous éreinter toute la journée. Le parcours est similaire à celui de la veille : bosses raides suivies de descentes tout aussi techniques sur une piste caillouteuses et parfois sableuse. Fred et Jean Michel, affublés des carrioles et des sacoches, donnent le rythme. Les 10 premiers jours de raid les ont mis en forme ; ils tractent près de 25 kilos. Richard a lui aussi de bonnes jambes ; il s'arrête tous les 2 à 3 kilomètres pour prendre des photos. Il est vrai que les sommets enneigés sont majestueux. Malheureusement, à un moment, son appareil va chuter et briser son écran de contrôle ; qu'à cela ne tienne : notre Ritchy va continuer à mitrailler... Par contre, René montre des signes de fatigue ; il mouline beaucoup et doit "se donner" dans les montées. Sans doute  les conséquences de la journée d'hier où il a manqué d'eau. 


Vers 12h30, un petit abri tombe à pic ; dans cette région, les habitations sont rares. Il va donc servir de "restaurant" pour le déjeuner. Fred a sorti son réchaud et nous prépare des soupes avec pâtes. Richard règle son vélo pour limiter les frottements ; le sol renvoie des vibrations terribles qui maltraitent nos VTT. Mais nous surveillons aussi ses éventuels maux de tête qui pourraient compromettre son avancée ; il nous rassure. La machine va bien : il pourra peut etre reprendre la course à pied (jusqu'alors déconseillée) et envisager un triathlon !... René est en récup : il s'est allongé et tente de faire une petite sieste. A l'abri, le soleil nous réchauffe. Depuis notre arrivée, il nous a toujours accompagné ; nous sommes vraiment chanceux.


Après une heure d'arrêt, nous repartons, le ventre plein. Nous avons 40 kms à parcourir, mais ils resteront comme les plus durs depuis notre arrivée, surtout les 20 derniers qui nous mènent à Tortel. La piste est en effet défoncée, instable et en "tôle ondulée". René s'emploie fortement pour continuer ; il n'a plus de jus. C'est au mental qu'il va finir. La rivière s'élargit ; des méandres partent de tous côtés. C'est le signe de notre arrivée proche où les eaux se déversent dans le fjord, trait d'union avec l'Ocean Pacifique. Une dernière montée d'un kilomètre à fort pourcentage et apparaît enfin la cité lacustre : Tortel. Ici tout est bois, les maisons, les passages, les escaliers. Le village est encastré entre la montagne et la mer; impossible de circuler avec nos engins et surtout nos carrioles. Jean Michel dégotte une petite pension de famille "chez Giselle" où ils pourront se poser et surtout prendre une bonne douche chaude, bien méritée. Depuis notre chambrette, nous surplombons la baie où quelques bateaux semblent figés par le temps. Incroyable ingéniosité de l'être humain : les passerelles en bois telles des rues permettent de se déplacer dans tout le village. 




Nous décidons de nous faire plaisir pour bien récupérer des efforts fournis : un restaurant nous tend les bras. Nous nous régalerons à nouveau avec l'excellent saumon local et une tarte aux framboises. 10h30 : il est l'heure d'aller se coucher. Demain, nous devons rejoindre Yungay et son transfert bateau après 52 kms de piste dont un col important.

Nous sommes à 130 kms de Cochrane. Il nous reste encore 180 kms pour rejoindre Villa O'Higgins.