Dimanche 29 janvier : Villa O’Higgins (Chili) à El Chaltèn (Argentine)
Nous
nous levons tôt afin d’être prêts pour prendre enfin « el barco »,
unique moyen de transport pour continuer notre périple et qui nous mènera de
l’autre côté du lac O’Higgins. A 7h30, nous enfourchons nos VTT sous une pluie
glacée. Le village semble figé. Nos thermomètres affichent 6° Celsius.
Après
avoir salué les gérants de notre « El Mosco » ainsi que les backpackers,
cyclistes et motards de passage, nous roulons vers le lac situé à une dizaine
de kilomètres. A l’arrivée, une pancarte, toute simple, indique :
« fin de la Carretera Austral - Km 0 » !!! Notre premier
objectif est atteint. Nous avons quitté Puerto Montt il y a maintenant 15 jours
exactement. Que d’histoires ! Que d’émerveillement ! Que de
difficultés ! Que de joies !
Après
avoir dit au revoir à Jorge, le patron du « El Mosco », nous
embarquons à bord du « Quetru » de la Compagnie « Robinson
Crusoe ». La traversée va durer 2h30 sur une mer vert foncé inquiétante.
Nous sommes trempés et frigorifiés ; seul Jean-Pierre semble à son aise
dans ce froid sibérien. Nous nous changeons rapidement et donnons nos gants et
chaussettes à un marin qui les posera sur les moteurs pour un séchage efficace.
Les vélos et carrioles sont déposés sur la proue ; les embruns vont les
arroser ; heureusement, il s’agit d’eau douce.
A un
moment de notre trajet, nous apercevons un premier iceberg. Le bateau gîte
légèrement à gauche à cause du vent constant, mais cela n’inquiète en rien
l’équipage. D’ailleurs, il nous passe un film sur les premiers colons et
navigateurs qui bravaient ce lac dans les années 1960. A l’époque, il fallait
avoir foi dans sa « bonne étoile ». Il s’agissait vraiment d’une
sorte de conquête du Sud où l’on devait braver les éléments eau, vent et froid.
Nous sommes sous le 50ème parallèle et allons continuer à descendre.
Vers
11h30, nous accostons à un lieu dit « Candelario Mancilla » où nous
attendent Ricardo (celui qui transportera nos carrioles sur ses chevaux) et les
douaniers chiliens avec un tracteur et une remorque. En vélo, nous parcourrons
environ 2 kms pour aller faire tamponner nos passeports et remettre
l’indispensable petit feuillet rempli à notre arrivée sur le territoire à
Santiago. Tout est validé pour chacun de nous 5. Nous décidons de manger sous
un abri de fortune en tôle avant d’attaquer un col d’environ 5 kms de montée.
Avec le vent, nous avançons péniblement. Ayant endossé tous nos vêtements
chauds, avec l’effort, nous commençons à enlever couche et sous-couche. Le
décor est planté : il neige quelques flocons ; nous passons prêts de
congères. Et nous sommes en été (d’après ce qu’on nous a dit !) ;
qu’est-ce que ce sera à Ushuaia !
Nous
avons près de 20 kms pour atteindre cette fameuse frontière, sorte de « no
man’s land » entre le Chili et l’Argentine. Au sommet du col, Richard
montre des signes d’essoufflement ; il faut dire que la veille il avait
une douleur au niveau du diaphragme suite à une chute. Il va avancer au mental
pour ne pas retarder le groupe et atteindre le lac argentin « Lago del
Desierto » avant l’arrivée du second bateau qui permettra sa traversée. Après
le col, nous roulons durant près d’une heure sur un plateau venté avec une
succession de bosses.
Puis nous traversons des zones boisées avant
d’atteindre ce lieu étonnant : un pilône indique sur sa partie supérieure
« Argentina » et à l’opposé « Chile ». Il est encadré par
deux grands panneaux : « Bienvenidos a la Republica Argentina »
et « Bienvenidos en Chile ». Fait du hasard : nous croisons à
cet endroit unique plusieurs groupes de cyclistes et marcheurs dont des
français, des suisses, des allemands… L’Europe est bien représentée. Et
désormais la Polynésie aussi !
Dès
que nous attaquons la partie argentine, la piste se transforme en « mini
sentier » d’environ 50 cm de large, creusé, rendu boueux par la pluie. Les
7 kms qui nous séparent du lac vont rester longtemps dans nos mémoires.
Véritable « gymcana » entre arbres, rochers, rivières, nous allons
nous « éclater » comme des enfants. Nous surprendrons même René à
crier sa joie ! Les derniers kilomètres sont épiques : le sentier est
creusé sur près de 40 cm de haut. Impossible de pédaler. Nous débouchons
soudainement d’une forêt sur un point haut qui domine le « Lago des
Desierto » ; quelle vue ! Extase.
Nous
arrivons sur un baraquement et ce qu’il reste d’un drapeau argentin lacéré par
les vents. Il s’agit de la douane argentine. Avec austérité, on nous tamponne
nos passeports. Nous leur demandons s’il est possible de rester au chaud dans
leur pièce ? No ! Possible d’avoir un peu d’eau chaude pour faire un
café ? No ! Nous n’insistons pas.
Jean-Pierre
décide d’aller faire trempette dans le lac ; il y restera moins d’une
minute car l’eau affiche 10°. Les cyclistes, trempés par l’effort, se
refroidissent rapidement, sans abri en attendant l’arrivée du bateau. Ils
découvrent une petite case qui comporte une cheminée ; un feu sera le
bienvenu. Il va réchauffer les corps et cuire 3 truites pêchées par des
visiteurs suisses !
Le
bateau accoste. Ricardo arrive avec ses chevaux et nos carrioles. Nous chargeons les VTT et bagages, puis remettons nos tickets à
l’équipage. La traversée va durer une heure durant laquelle nous imaginerons le
célèbre « Fitz Roy », l’un des sommets mythiques de la Patagonie,
plongé dans une brume opaque. Nous longeons des glaciers et de nombreuses
cascades se déversent dans le lac.
A
l’arrivée, après un rapide débarquement sous la pluie, nous attelons nos
montures et fonçons vers El Chalten située à environ 35 kms. Les montagnes découvrent
une palette de couleurs ocres qui rappellent celles de « Death
Valley » en Californie. Enfin, El Chaltèn. Nous pensions trouver un
village perdu ; nous découvrons une petite ville en plein développement,
avec des magasins voués au plaisir de la varappe et de la randonnée. Fred dira
qu’il s’agit peut être d’un futur Chamonix avec pour Mont Blanc, le Fitz Roy.
A
bord du bateau, on nous avait donné l’adresse de l’hôtel Senderos. Jean-Pierre,
qui a pu récupérer son véhicule abandonné ici pour pouvoir nous rejoindre à O’Higgins,
nous y amène. Nous sommes très bien reçus et profitons d’un petit hôtel cossu
où douches et nettoyage de nos vêtements sont les bienvenus. La nuit tombée
(vers 22h), nous partons dîner et goûter la fameuse viande argentine dans une
taverne aux allures chalet de montagne.
Autour d’une cheminée centrale, les
doigts de pied en éventail, nous profitons des dernières minutes d’une journée
incroyable : le passage d’une frontière « pas comme les
autres » !
vous êtes magnifiques! quel courage, milles bravo à cette belle équipe.
RépondreSupprimerBises.
Agnès